Legacy et Cloud : inutile de remplacer vos systèmes historiques, mais…
L'adage selon lequel « ce qui n'est pas cassé ne doit pas être remplacé » se vérifie-t-il à l'heure où la première injonction à la mode consiste à réfléchir Cloud first ? Pas si vite, estime Tim Horrion, Cloud Solution Architect de Win. Dans cet article, il nous explique que le Legacy (les infrastructures héritées) peut très bien cohabiter avec le Cloud. Ce dernier peut même le renforcer. Un débat passionnant, abordé durant le Tech Day 2024.
La Belgique est-elle accrochée à ses infrastructures Legacy ? En tout cas, le Royaume se montre attentiste en matière d'adoption du Cloud. Une étude classe notre pays dans la catégorie Late majority, loin derrière des Early adopters comme les pays nordiques. Les chiffres de Statbel sont éloquents. L'adoption du Cloud n'a pas grandement évolué de 2021 à 2023 :
- 10 - 49 ETP : 51,2 % (-1,3 %)
- 50 – 249 ETP : 67,2 % (+0,6 %)
- 250+ ETP : 87,9 % (-0,7 %).
Selon l’étude Whitelane sur la satisfaction client des fournisseurs ICT 2024, les principaux clients ICT de Belgique sont devenus plus prudents face aux services de Cloud public. Ajoutons à ce tableau une Europe à la traîne lorsqu'il s'agit d'investissements dans l'IA. Le Vieux continent accuse un retard « de l'ordre de 10 milliards d'euros par rapport aux États-Unis », précise Tim Horrion.
Système Legacy : de quoi parle-t-on ?
Le terme Legacy (ou « systèmes legacy ») désigne des systèmes informatiques, logiciels ou technologies historiques, mais toujours en usage au sein d'une organisation. Les systèmes dits legacy sont souvent en place depuis plusieurs années, voire des décennies. Ils utilisent des technologies, des langages de programmation, ou des architectures anciens par rapport aux standards actuels.
Quelques exemples de systèmes Legacy :
- Mainframes pour des opérations de traitement de données volumineuses.
- Logiciels développés sur mesure pour des besoins spécifiques d'une entreprise, souvent avec des langages de programmation anciens comme COBOL (c'est le cas dans le milieu bancaire, par exemple).
- Bases de données anciennes. On cite souvent DB2 sur mainframe.
- Serveurs et équipements réseaux anciens encore en fonction.
Quel est le problème ?
Il est triple. D'un côté, malgré leur ancienneté, ils sont généralement essentiels pour les opérations quotidiennes de l'entreprise. De l'autre, ils nécessitent souvent des efforts et des coûts de maintenance élevés en raison de leur complexité et de leur vieillissement. Enfin, la migration de ces systèmes vers des technologies plus modernes ou vers le Cloud peut être une opération complexe et risquée, car ils sont intégrés dans de nombreux processus critiques.
Le Cloud face au Legacy
Le Cloud peut aujourd’hui être classé en 3 grandes familles :
- IaaS (Infrastructure as a Service) : ressources informatiques virtuelles sur internet (exemple : AWS).
- PaaS (Platform as a Service) pour développer, tester et déployer des applications (exemple : Google App Engine).
- SaaS (Software as a Service), des applications logicielles accessibles en ligne (exemple : Microsoft365).
Face à des systèmes Legacy hérités et toujours pertinents, le discours ambiant tend à favoriser l'adoption généralisée des services Cloud. Plusieurs attitudes sont possibles lorsqu’une entreprise souhaite adopter le Cloud, tout en respectant son infrastructure historique et l’inventaire de ses services informatiques : ne rien faire ( « ce qui est déjà faire quelque chose », ironise Tim Horrion), migrer ou refactoriser.
Il existe deux possibilités lorsqu’on envisage d’adopter le Cloud au centre de sa stratégie IT :
- Cloud first : stratégie priorisant l'utilisation de services Cloud plutôt que des solutions sur site (on-premise).
- Cloud native : conception et développement de services spécifiquement pour le cloud, en utilisant les services disponibles uniquement chez les fournisseurs de services cloud (CSP).
Du Legacy au Cloud
Les technologies Cloud offrent de nombreuses opportunités pour renforcer les systèmes existants. Encore faut-il bien comprendre les limites qui peuvent empêcher une migration complète vers les Clouds publics.
Voici les principales contraintes à considérer :
- Réglementations : les lois et régulations peuvent imposer des restrictions sur où et comment les données peuvent être stockées et traitées.
- Localisation physique : certaines données ou services doivent rester localisés pour des raisons de performance ou de conformité.
- Latence : les temps de réponse peuvent être un problème lorsque les services cloud sont utilisés sur de longues distances.
- Intégration avec le matériel local en s’assurant que les nouvelles solutions Cloud sont compatibles avec l'infrastructure existante de l'entreprise.
- Accès granulaire : certaines applications nécessitent des niveaux de contrôle et d'accès très spécifiques qui ne sont pas toujours disponibles dans le Cloud public.
D’autres défis se posent également quand on poursuit une stratégie de refactorisation :
- Compatibilité avec de nouvelles technologies ou systèmes.
- Sécurité en raison de l'absence de mises à jour régulières.
- Performance pouvant être inférieure à celles des systèmes modernes.
- Maintenance : pas toujours simple de trouver des experts pour maintenir ces systèmes, car les compétences se raréfient.
« Ces obstacles ne sont pourtant pas insurmontables. Les entreprises peuvent, en effet, tirer parti des technologies Cloud pour améliorer leurs systèmes existants, tout en comprenant (et en respectant) les limites et les défis associés à une migration (partielle ou complète) vers le Cloud », estime Tim Horrion.
Faire coexister Legacy et Cloud
Une organisation qui souhaite moderniser progressivement son infrastructure informatique peut tirer parti des avantages du Cloud tout en continuant d'utiliser ses systèmes legacy de manière efficace et sécurisée.
Voici par exemple 3 cas concrets permettant de faire coexister ces deux environnements :
Hybridation de l’infrastructure
Le cloud hybride est idéal pour les entreprises qui désirent conserver leurs données historiques sur des systèmes plus anciens, tels que les mainframes, tout en migrant certaines applications vers le Cloud public (ou dans un datacenter). Cette approche permet de combiner la stabilité et la sécurité des systèmes legacy avec la flexibilité et l'évolutivité des solutions Cloud.
Virtualisation des infrastructures de bureau
Les infrastructures de bureau virtuel (VDI) hybrides permettent de déployer des environnements de travail à la fois sur site et dans le Cloud. Cela offre une solution flexible qui optimise l'utilisation des ressources et améliore l'accès aux applications, quel que soit l'emplacement de l'utilisateur.
Externalisation des Workloads Legacy avec anonymisation
Dans ce cas de figure, on utilise le cloud pour externaliser une partie des workloads legacy tout en assurant l'anonymisation des données sensibles. Cette méthode permet de bénéficier de la puissance et de la scalabilité des services cloud pour des analyses avancées, telles que les datalakes, le Big Data, l'intelligence artificielle (AI) et le machine learning (ML), sans compromettre la sécurité des données historiques.
Oui, mais alors, Legacy ou Cloud ?
Aujourd’hui, de nombreuses entreprises et institutions doivent relever le défi d’élaborer une stratégie Cloud qui respecte l’infrastructure historique. Elles font face à plusieurs défis complexes et doivent prendre en compte de nombreuses questions liées à la connectivité, à la sécurité à l’hébergement et à la sécurité, le tout avec une gestion des coûts.
Il s’agit dès lors de « prendre le meilleur de ce qui existe, peu importe où cela se trouve ! Et surtout, ne pas oublier les différentes considérations propres à votre organisation », conclut Tim Horrion.