Mutualités Libres, la co-création au pouvoir
La co-création comme source d’innovation. A .Connect 2023, Bernard Geubelle, Directeur Adjoint des Mutualités Libres, a lancé quelques pistes d’avenir pour le monde mutualiste.
Avant septembre 2025, les médecins généralistes, les spécialistes et les dentistes auront à digitaliser la demande des remboursements des soins. La généralisation de cette possibilité, disponible depuis 2018, se traduira par une simplification administrative entre le patient, les prestataires de soins et les organismes assureurs. Gain de temps, fin de la paperasse et réduction de la consommation de papier…
La transformation digitale du secteur se poursuit. D’une manière générale, les Mutualités l’ont bien compris. « Parce qu’il se réfère à la protection de la personne et de la famille, un lien particulier unit un adhérent ou un assuré à son opérateur, considère Bernard Geubelle, Mutualités Libres. La relation client avec une Mutualité ne se satisfait pas uniquement des prestations prévues au contrat. Bien d’autres éléments entrent en considération pour prendre en compte les besoins de sa clientèle… »
Acteurs historiques, réglementés et gérant de nombreux flux d’informations et de documents, les Mutualités ont dû engager leur transformation afin d’améliorer l’expérience client de leurs adhérents, répondre à leurs nouveaux usages et besoins et faire face à la concurrence. « Aujourd’hui, le défi est double pour les Mutualités : comment à la fois se transformer dans un environnement concurrentiel tout en conciliant legal, social et performance, synthétise Bernard Geubelle. Tout un programme ! »
Conserver l’essence du mutualisme
Le constat est imparable : le métier des Mutualités doit se réinventer afin d’améliorer leurs performances et services. Si cela semble simple, force est de constater que, dans les faits, beaucoup de progrès restent à réaliser. En effet, si elles doivent évoluer, les Mutualités doivent veiller à conserver ce qui constitue l’essence du mutualisme.
Aujourd’hui, plus de 500 types de flux d’informations sont échangés entre les différents acteurs de la santé : patients, prestataires de soins, Mutualités, mais aussi entreprises, organismes publics, etc. « Aux Mutualités Libres, ce sont quelque 400.000 messages qui sont échangés quotidiennement au bénéfice de nos 2,3 millions d’affiliés, résume Bernard Geubelle. L’an passé, ces échanges se sont aussi traduits par quelque 8,6 milliards d’euros de remboursement ! »
Le 1er janvier 2023, Mutual IT (nouvelle dénomination en interne du département IT) a vu le jour. Aujourd’hui, avec 420 collaborateurs, l’entité est un des plus grands départements IT du pays. Qui opère pour ses propres clients : Helan, Partenamut et la Freie Krankenkasse. Mais également pour les clients externes, à savoir la Mutualité Chrétienne, les Mutualités Neutres et bientôt les Mutualités Libérales.
« Pour certaines Mutualités, se réinventer passera donc inévitablement par un rapprochement des forces en présence », commente Bernard Geubelle. De fait, on assiste à une concentration du marché, le nombre de Mutualités ayant été divisé par deux ces dix dernières années. « Une réorganisation structurelle -en particulier au niveau de l’IT- permet notamment de rationaliser les frais de gestion liés aux obligations réglementaires et aux investissements liés à la transformation digitale et de régler les besoins en fonds propres. »
Utiliser les mêmes applications
Objectif : créer une organisation IT unique et, à travers elle, un écosystème plus robuste, une coordination plus efficace et fructueuse -axée sur nos valeurs, un meilleur délai de mise sur le marché, une expérience omnicanale ainsi qu’une approche uniforme du développement des talents.
Les relations avec la Mutualité Chrétienne, les Mutualités Neutres et les Mutualités Libérales ont même été renforcées. Ainsi, le projet Leap, dont le but est d’assurer la prestation des services IT aux Mutualités Libérales à partir du 1er janvier 2024. « Nous renforçons notre rôle de prestataire global pour le secteur », commente Bernard Geubelle.
Déjà, les Mutualités libres et chrétiennes utilisent la même application de calcul des indemnités des affiliés en maladie de longue durée. Le but est simple : l’efficacité. Calculer le montant du revenu de remplacement des malades de longue durée est une opération complexe, soulignent les deux Mutualités. « Les besoins étant identiques pour les deux Mutualités, celles-ci ont décidé de s’allier et de choisir une même application, justifie Bernard Geubelle. Nous avons les mêmes besoins, inutile dès lors de réinventer la roue chacun de son côté ! Shake IT ! ».
Co-créer en préservant l’ADN mutualiste
L’idée, bien sûr, est d’aller plus loin que cette seule application. Et donc de partager à l’avenir d’autres applications existantes ou de nouvelles. En somme, les Mutualités Libres indiquent un nouveau chemin : s’allier tout en restant concurrents sur le plan commercial. « Aucune donnée ne sera partagée entre les Mutualités. Nous ne faisons qu’utiliser le même moteur », insiste le dirigeant des Mutualités Libres. Et donc de co-créer.
Source d’innovation, la co-création repose sur le partage entre les diverses parties prenantes. Ce dialogue, estime Bernard Geubelle, permet d’échanger les avis des différentes clientèles. Ce qui veut dire, encore : compréhension, conception et adoption des pratiques agiles. « Nous sommes bien placés pour cela dans un contexte de transformation digitale avec des implications évidentes dans la gestion du changement, dans le management et dans la préservation de l’ADN mutualiste. C’est aussi se confronter au réel, répondre à des besoins des adhérents ou des utilisateurs, sans céder aux sirènes du digital pour le digital. »
Élargir l’offre de services
Enfin, en plus de s’allier, les Mutualités devront également se diversifier de façon à pouvoir accompagner leurs adhérents dans toutes les étapes de leur vie, en allant par exemple vers des offres de prévoyance. Cantonnées au domaine de la santé, elles seront amenées à élargir leurs palettes vers plus de services. Selon une étude Deloitte, les Mutualités sont légitimes à intervenir en matière de prévoyance et d’éducation à la santé. Toutefois, cette stratégie ne fonctionnera que si ces nouvelles offres produits et services correspondent bien aux besoins réels de leurs adhérents respectifs.
De fait, leurs adhérents ne sont pas des clients comme les autres, mais des adhérents mutualistes qui pèsent dans les décisions. Il est important que ces derniers aient le sentiment d’appartenir à une communauté. La digitalisation du secteur doit donc être vue comme une source d’opportunités afin de se rapprocher de ces derniers, en complément des canaux traditionnels.
« A nous de pouvoir fournir aux adhérents des services ciblés et personnalisés au bon moment, conclut Bernard Geubelle. Et donc, pour y parvenir, mieux tirer parti de notre proximité avec les sociétaires, ainsi que des informations collectées, afin de personnaliser au maximum le service. »